Kalash numéro 4 : textes

Réunifier l'Europe.



    On a pu entendre dire que l'entrée de la Hongrie, de la Pologne, et de la République tchèque dans l'OTAN marquaient la fin du rideau de fer. Bien sûr, le bloc communiste a éclaté. Mais la fracture entre les deux Europe, l'orientale et l'occidentale, a-t-elle disparu pour autant ? Comment ne pas s'apercevoir qu'avec l'éclatement de la Yougoslavie on a vu les pays occidentaux, au premier rang desquels l'Allemagne se ruer pour reconnaître la Croatie et la Slovénie, puis soutenir les croato-musulmans bosniaques alors que les serbes se tournaient vers la Russie, selon un schéma qui s'est répété avec l'attaque de l'OTAN contre la Serbie ? Comment ne pas voir que ce sont les alliances traditionnelles d'avant la deuxième guerre mondiale, le facteur américain en plus, qui se sont comme réveillées, dans un curieux conglomérat d'intérêts contemporains et d' arrières plans religieux ?
    Le fait que la Serbie, récemment, a en partie perdu l'appui de ses alliés traditionnels ne change rien à ce constat : il existe bien une fracture entre les deux Europe, ancrée dès l'origine dans les mentalités de nos dirigeants plus peut-être que dans les aspirations profondes des peuples - malgré les différences culturelles et les amertumes historiques. Quel politique européen, même fanatiquement acquis à la cause de l'Europe, rêve-t-il par exemple de voir un jour la Russie, en même temps que les pays qui lui sont proches, entrer dans l'Union européenne ? N'est-ce pas pourtant à l'Europe de mettre fin à sa peur du gros ours asiatique russe et de tendre la main à la Russie ; car celle-ci pourrait être pleinement européenne si elle cessait de percevoir l'ouest comme une menace guidée par les américains et rognant sur sa sphère d'influence. D'autant plus que, malgré sa situation géographique, ses aspirations et sa vocation naturelle sont plus européennes qu' asiatiques, parce que le peuple russe n'est pas un peuple asiatique et parce qu'à l'est régnera la Chine qui lui barre l'horizon. Cet oubli et ce rejet, cette fracture, ne sont-ils pas porteurs des germes de confrontations futures parce qu' une fois de plus, on aura privilégié les visions étriquées et les intérêts politiques et économiques du moment au détriment des grandes visions d'avenir.
    N'est-il pas temps pour l'Europe de se débarrasser définitivement des Etats-Unis et de l'OTAN, pour construire une politique vraiment européenne, adulte, indépendante et originale avec pour but d'en faire le continent et la civilisation de demain ? On aurait pu croire que tel était le grand dessein de l' UE. Que cela semble loin aujourd'hui ! Dire qu'on manque d'utopie pour l'Europe est devenu un .poncif à la solde des politiques en mal de blabla et qui n'en proposent aucune. La plus belle que l'on puisse concevoir serait de réunir les deux Europe, sans "oui mais" ni arrières- pensées. A moins de rester fidèles aux traditions d ' incompréhension, de mercantilisme et de pusillanimité politiques qui ont toujours conduit le continent aux impasses fratricides comme vers d'autres" quatrième croisade".


                     Némo

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Une odeur de sainteté



     On connaît plus de cinquante saints qui sont morts en odeur de sainteté, ce qui n'est pas une expression toute faite mais une réalité objective. Certains corps de saints ont la propriété après leur mort de distiller des baumes et des huiles odorantes, possédant d'infinies vertus, on les appelle des myroblytes. Le cas le plus célèbre est celui de Thérèse d'Avila, morte à soixante dix-sept ans et six mois la veille du 15 octobre 1582. Les religieuses durent laisser la nuit entière les portes et les fenêtres ouvertes malgré la saison. Le lys, le jasmin, la violette semblaient avoir uni leurs plus suaves senteurs dans cet arôme auquel rien ne pouvait être comparé. Tous les objets que l'on approchait du corps prenaient le même parfum. Les membres restaient souples, flexibles, les bras s'étendaient, se repliaient comme si le corps eût été en vie. Sur le front d'une blancheur d'albâtre les nombreuses rides de la vieillesse avaient disparu et les lèvres étaient à demi souriantes.

     On déposa le corps sans l'ouvrir ni l'embaumer dans un cercueil de bois et on le descendit dans une fosse très profonde creusée sous la grille du chœur des religieuses. Les ouvriers jetèrent par-dessus une grande quantité de pierre de chaux et de terre humide avant de sceller la pierre sépulcrale. Les religieuses d'Albe, le jour des obsèques, distribuèrent aux assistants les vêtements de Thérèse : son voile, ses manches, ses coiffes, coupés en morceaux ; eh bien, tous ses objets conservaient le parfum qui s'exhalait du cercueil et pendant neuf mois le parfum traversa les couches de pierre et la terre du tombeau.

     Un an plus tard, on ouvrit le cercueil pourri rempli de terre et d'eau, l'humidité avait corrompu les vêtements, le corps même était couvert de boue verdâtre mais absolument intacte. La chair était douce, blanche et embaumée. Phénomène plus étonnant peut-être, une huile coulait goutte à goutte de tous ses membres. Les religieuses en recueillirent sur un grand nombre de linges qui gardèrent le parfum. On lui enleva sa ceinture de cuir et l'évêque de Tarazona a affirmé que vingt-quatre ans après cette ceinture conservait encore son odeur délicieuse.

     En 1594, la mère Anne de Jésus, envoyée par les supérieurs de l'ordre du monastère de Madrid au couvent de Salamanque, visita le tombeau de Thérèse. Elle remarqua sur les épaules un endroit coloré et se dit qu'il y avait là du sang vif : "j'ai appliqué un linge qui se teignit aussitôt de sang. J'en demandai un autre qui s'imbiba de la même manière. Cependant, la peau demeurait intacte sans aucune marque de plaies ni de déchirures ; j'appuyai mon visage sur l'épaule de notre sainte mère réfléchissant à la grandeur de cette merveille, car il y avait douze ans qu'elle était morte et son sang coulait comme celui d'une personne en vie".


     Je citerai également le cas d'un moine maronite, Charbel Makhlouf, mort à soixante-dix ans le vingt-quatre décembre 1898, dans un ermitage dépendant du monastère saint Maron à Annya au Liban. Un jour le préfet de la région et quelques hommes recherchaient des criminels fuyant la justice qu'ils croyaient cachés dans les bois, ils se dirigèrent vers le couvent dans la nuit. Ils virent d'abord une lumière faible mais qui s'intensifia et brillait près de la porte du monastère à l'est de l'église.

     Ils crurent qu'il s'agissait des criminels cachés et se précipitèrent mais ne virent plus rien. Ils frappèrent alors à la porte du monastère. Lorsqu'on leur eut ouvert, ils questionnèrent et perquisitionnèrent mais ne trouvèrent rien ni personne sinon les habitants du monastère. Lorsqu'ils racontèrent au supérieur et à ses moines ce qu'ils avaient vu, le supérieur leur répondit : "Depuis un certain temps déjà, nous entendons dire que certains voient une lumière là où vous l'avez vue, et c'est le caveau du monastère là où est enterré le père Charbel."

     La tombe fut ouverte l'année suivante en présence du supérieur, des moines, et de dix témoins de l'enterrement. Le corps était tendre, frais, souple mais couvert d'une moisissure. Un sang bien rouge, mêlé d'eau, coula de son côté droit, sans aucune trace de corruption.

     Trente ans plus tard, le corps fut placé dans un cercueil de bois recouvert de zinc, toujours aussi parfaitement conservé. Or, en 1950 des pèlerins remarquèrent des suintements au pied du mur qui fermait le tombeau : un liquide visqueux et rosé. Les moines ouvrirent la sépulture : l'extrémité déclive du cercueil laissait suinter un liquide sanguinolent. Le corps conservait toute sa souplesse et pouvait plier bras et jambes.

    Le docteur Choukral, qui examina le corps trente-quatre fois en dix-sept ans, constate que c'est un phénomène si unique qu'aucun médecin n'en a peut-être jamais vu de semblable. Supposons que le liquide qui suinte du corps chaque jour ne pèse qu'un gramme, ce qui fait durant cinquante-quatre ans dix-neuf kilos cent dix. Or la quantité moyenne de sang et autres liquides contenus dans le corps humain est de cinq litres. Le moins ne donne pas le plus : principe scientifique évident par lui-même ; mais le liquide rouge que déverse le corps du père Chardel dépasse de beaucoup un gramme par vingt-quatre heures. Une source devrait se tarir si elle n'est pas alimentée depuis un demi-siècle... Voilà une source de merveilleux qui m'émerveille.

                     Hégésias

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